Amortissement voiture electrique : calculer la rentabilité réelle de votre véhicule à batterie

Amortissement voiture electrique : calculer la rentabilité réelle de votre véhicule à batterie

Pourquoi parler d’amortissement d’une voiture électrique ?

Se demander si une voiture électrique est « rentable » revient, en réalité, à se poser une question d’amortissement : à quel moment le surcoût à l’achat est-il compensé par les économies d’usage ?

Car c’est bien là le cœur du sujet : une voiture électrique coûte souvent plus cher à l’achat qu’une thermique équivalente, mais elle est généralement moins chère à utiliser au quotidien (énergie, entretien, avantages fiscaux). Entre les deux, il faut faire un calcul qui dépasse le simple « plein vs recharge ».

Dans cet article, on va donc :

  • clarifier ce que signifie « amortir » une voiture électrique ;
  • passer en revue les postes de coût à prendre en compte ;
  • proposer une méthode simple de calcul pour particuliers ;
  • détailler les règles spécifiques pour les professionnels ;
  • identifier dans quels cas une voiture électrique devient réellement intéressante.

Amortissement : de quoi parle-t-on exactement ?

Le mot « amortissement » n’a pas le même sens selon que l’on est particulier ou entreprise.

Pour un particulier, on parle surtout d’amortissement au sens financier :

  • Sur combien d’années (ou de kilomètres) va-t-on « rentrer dans ses frais » par rapport à un véhicule thermique ?
  • Quel est le coût de revient annuel ou au kilomètre, en intégrant achat, revente, entretien, énergie ?

Pour une entreprise, l’amortissement a un sens comptable et fiscal :

  • La voiture est inscrite à l’actif et amortie sur plusieurs années (souvent 4 à 5 ans) ;
  • une partie de cette dotation aux amortissements est déductible du résultat imposable, dans la limite de plafonds spécifiques qui dépendent des émissions de CO2 ;
  • les véhicules électriques bénéficient d’un plafond plus favorable.

L’objectif est le même dans les deux cas : mesurer le coût réel du véhicule sur sa durée d’usage, et pas seulement à l’instant de l’achat.

Les grands postes à intégrer dans le calcul

Pour calculer l’amortissement réel d’une voiture électrique, il faut additionner plusieurs postes, parfois oubliés dans les comparaisons rapides.

Prix d’achat, bonus et aides publiques

Prix catalogue : c’est le prix affiché par le constructeur. Sur le marché actuel, une citadine électrique neuve se situe souvent entre 25 000 € et 35 000 €, quand une citadine thermique équivalente démarre plutôt autour de 18 000 € à 25 000 €.

Bonus écologique (France, 2024) :

  • Réservé aux véhicules neufs électriques (et quelques hybrides rechargeables très spécifiques), avec un plafond de prix et un « score environnemental » minimal ;
  • le montant varie selon les revenus et le type de véhicule (particulier/professionnel) ;
  • les règles ont évolué pour favoriser les véhicules produits avec une empreinte carbone plus faible (fabrication européenne, batterie moins carbonée, etc.).

En pratique, le bonus peut réduire le prix d’achat de quelques milliers d’euros pour un particulier éligible.

Prime à la conversion :

  • si vous mettez au rebut un ancien véhicule (gazoil ou essence) pour acheter une voiture électrique neuve ou d’occasion, une prime supplémentaire peut s’ajouter ;
  • elle dépend de votre revenu fiscal de référence, de la catégorie du véhicule mis à la casse et du nouveau véhicule acquis.

Le premier calcul d’amortissement consiste donc à partir non pas du prix catalogue, mais du prix réellement payé après aides.

Coût de l’énergie : recharge vs carburant

La recharge électrique est, en moyenne, nettement moins chère que le carburant fossile par kilomètre parcouru. Mais les écarts varient selon le contexte.

À domicile, sur une borne ou une prise renforcée :

  • un véhicule électrique consomme souvent entre 13 et 20 kWh/100 km, selon la taille du véhicule et le type de trajet ;
  • avec un tarif réglementé autour de 0,20 € à 0,25 € / kWh (hors heures creuses plus avantageuses), on se situe grossièrement entre 3 et 5 € pour 100 km.

Sur bornes publiques rapides :

  • les tarifs peuvent monter entre 0,40 € et 0,70 € / kWh, voire davantage sur certaines stations autoroutières ;
  • le coût peut alors se rapprocher de 8 à 12 € / 100 km.

En face, une voiture thermique consomme par exemple 6 l/100 km d’essence à 1,90 €/l, soit environ 11,40 € / 100 km. L’économie est donc maximale si vous rechargez principalement chez vous ou sur votre lieu de travail, et plus limitée si vous dépendez des bornes rapides.

Entretien : moins de pièces, moins de frais… mais pas zéro

Une voiture électrique comporte beaucoup moins de pièces mécaniques en mouvement qu’un moteur thermique. Résultat :

  • pas de vidange moteur ;
  • pas de courroie de distribution ;
  • pas d’embrayage à changer ;
  • moins de sollicitations sur les freins grâce au freinage régénératif.

En revanche, il faut toujours :

  • surveiller et entretenir les pneus (souvent plus sollicités par le couple immédiat) ;
  • changer le liquide de frein et celui de refroidissement de la batterie, selon les préconisations constructeur ;
  • assurer les contrôles de sécurité réglementaires.

Les retours de terrain montrent généralement un gain de 20 à 40 % sur le budget entretien par rapport à une thermique équivalente, sur plusieurs années. Ce poste participe fortement à l’amortissement global.

Assurance, stationnement, avantages locaux

L’assurance d’un véhicule électrique peut être légèrement plus élevée (valeur à neuf plus importante, coût des pièces spécifiques), mais les écarts se réduisent au fil des années. Tout dépend du profil de conducteur, du modèle et de l’assureur.

À mettre dans la balance :

  • certaines villes offrent des tarifs préférentiels de stationnement pour les véhicules électriques (ou des périodes gratuites) ;
  • l’accès aux Zones à Faibles Émissions mobilité (ZFE-m) est généralement garanti pour les véhicules zéro émission, là où certains diesels ou essences risquent d’être exclus à moyen terme ;
  • pour les entreprises, des exonérations ou réductions peuvent s’appliquer sur certaines taxes (par exemple l’ex-TVS, devenue composante de la taxe sur l’affectation des véhicules à des fins économiques).

Ces éléments ne se traduisent pas toujours par un chiffre précis dans un tableau, mais ils pèsent sur la valeur d’usage du véhicule.

Décote et valeur de revente

La question de la revente est souvent sous-estimée dans les calculs d’amortissement, alors qu’elle peut changer la donne.

Pour les véhicules électriques :

  • les premières générations ont parfois souffert d’une décote rapide (autonomie faible, incertitudes sur les batteries, bonus successifs qui tirent les prix vers le bas) ;
  • les modèles récents, avec plus d’autonomie et une meilleure maîtrise du vieillissement des batteries, affichent des valeurs résiduelles plus stables, surtout pour les véhicules bien entretenus et rechargés majoritairement en courant lent.

Le point clé : le coût réel de votre voiture, c’est prix d’achat – prix de revente. Une voiture électrique qui garde bien sa valeur peut donc s’amortir plus vite qu’un modèle thermique très déprécié, même si elle était plus chère au départ.

Et la batterie dans tout ça ?

La batterie est souvent perçue comme le « risque caché » de l’électrique. En pratique :

  • la plupart des constructeurs garantissent la batterie pendant 8 ans ou 160 000 km, à un certain seuil de capacité résiduelle (souvent 70 % ou 75 %) ;
  • les retours d’expérience montrent que de nombreuses batteries conservent plus de 80 % de capacité au-delà de 200 000 km, sous réserve d’un usage « raisonnable » (recharges rapides modérées, pas de cycles extrêmes répétés, etc.).

Le scénario d’un remplacement complet de batterie reste coûteux, mais il devient relativement rare sur les véhicules récents. Pour l’amortissement, il est utile de considérer :

  • que la batterie aura encore une valeur (réelle ou résiduelle) à la revente ;
  • que la durée d’usage « utile » du véhicule peut raisonnablement être projetée sur 10 ans et 200 000 km pour beaucoup de modèles.

Une méthode simple pour particuliers : le coût total de possession

Pour juger de la rentabilité d’une voiture électrique, on utilise souvent la notion de coût total de possession (TCO), sur une durée donnée (par exemple 5 ou 8 ans) et un kilométrage annuel moyen.

La méthode de base :

  • estimer le prix d’achat net (après bonus et prime à la conversion éventuelle) ;
  • projeter la valeur de revente au bout de X années ;
  • estimer la consommation annuelle (kWh ou litres) et son coût ;
  • évaluer le budget entretien et assurance sur la même période ;
  • ajouter les frais annexes (stationnement, péages spécifiques, éventuels abonnements de recharge, etc.).

On obtient ainsi un coût annuel moyen et/ou un coût au kilomètre, à comparer à un véhicule thermique équivalent.

Exemple chiffré simplifié

Imaginons un conducteur qui parcourt 15 000 km par an pendant 8 ans (120 000 km au total), et qui hésite entre :

  • une citadine thermique essence ;
  • une citadine électrique.

Hypothèses simplifiées (ordre de grandeur, hors inflation) :

  • Thermique : prix d’achat 22 000 € ; conso 6 l/100 km ; carburant 1,90 €/l ; entretien/assurance/stationnement 1 500 €/an ; valeur de revente après 8 ans : 5 000 €.
  • Électrique : prix catalogue 30 000 €, bonus et aide nette 5 000 € → prix payé 25 000 € ; conso 15 kWh/100 km ; électricité moyenne 0,22 €/kWh (recharge surtout à domicile) ; entretien/assurance/stationnement 1 250 €/an (20 % de moins) ; valeur de revente après 8 ans : 8 000 €.

Calcul thermique (8 ans, 120 000 km) :

  • Coût «&nbspd’usage » carburant : 6 l/100 km × 1,90 € × 1 200 = 13 680 € ;
  • Entretien & assurance & stationnement : 1 500 € × 8 = 12 000 € ;
  • Perte de valeur (22 000 € – 5 000 €) : 17 000 €.

Total thermique : 13 680 € + 12 000 € + 17 000 € = 42 680 € sur 8 ans, soit ~5 335 €/an.

Calcul électrique (8 ans, 120 000 km) :

  • Coût « d’usage » électricité : 15 kWh/100 km × 0,22 € × 1 200 = 3 960 € ;
  • Entretien & assurance & stationnement : 1 250 € × 8 = 10 000 € ;
  • Perte de valeur (25 000 € – 8 000 €) : 17 000 €.

Total électrique : 3 960 € + 10 000 € + 17 000 € = 30 960 € sur 8 ans, soit ~3 870 €/an.

Dans ce scénario simplifié, l’électrique coûte donc environ 1 465 € de moins par an. Autrement dit, malgré un prix d’achat initial plus élevé, elle s’amortit totalement sur la durée d’usage, et génère une économie nette.

Évidemment, si vous roulez peu (par exemple 6 000 km/an), l’avantage s’amenuise. À l’inverse, si vous faites 25 000 km/an, l’amortissement de l’électrique est encore plus favorable, à condition de pouvoir recharger majoritairement à bas coût.

Ce qui change pour les professionnels : l’amortissement comptable

Pour les entreprises et les indépendants, la question de l’amortissement d’une voiture électrique se double d’un enjeu fiscal. En France, les règles distinguent les véhicules selon leurs émissions de CO2.

Plafond fiscal d’amortissement :

  • Pour les véhicules émettant 0 à 20 g de CO2/km (dont les 100 % électriques), le plafond d’amortissement fiscal est porté à 30 000 € ;
  • pour les véhicules émettant plus, le plafond est plus bas (20 300 €, 18 300 €, voire 9 900 € pour les plus émetteurs, selon les tranches en vigueur).

Concrètement, cela signifie que pour une voiture électrique achetée, par exemple, 35 000 €, la fraction jusqu’à 30 000 € peut faire l’objet d’un amortissement déductible du résultat imposable, alors que pour un véhicule thermique équivalent, la partie déductible serait souvent plus limitée.

À cela s’ajoutent :

  • des exonérations ou réductions de certaines taxes (ancienne TVS, désormais intégrée dans une fiscalité plus large sur l’affectation des véhicules) ;
  • la possibilité, dans certains cas, d’aides à l’installation de bornes de recharge sur site.

En pratique, l’avantage fiscal renforce la rentabilité du passage à l’électrique pour les flottes d’entreprise, surtout pour des véhicules fortement kilométrés et conservés plusieurs années.

À partir de quand une voiture électrique devient-elle rentable ?

Il n’existe pas de seuil universel, mais quelques repères se dégagent des études de TCO et des retours d’expérience :

  • un kilométrage annuel d’au moins 10 000 à 12 000 km commence à rendre l’électrique très compétitive, surtout si la recharge se fait majoritairement à domicile ou au travail ;
  • entre 15 000 et 20 000 km/an, l’écart de coût d’usage par rapport à une thermique devient souvent net, et l’amortissement du surcoût initial se fait en quelques années ;
  • pour les très petits rouleurs (moins de 7 000 km/an), la logique n’est pas uniquement économique : l’électrique peut rester un choix pertinent (silence, confort, émissions locales nulles), mais la « rentabilité » financière pure sera plus difficile à démontrer.

Autre variable clé : votre accès à une borne de recharge. Sans solution de recharge à domicile ou sur site (entreprise, copropriété équipée), et avec un usage massif des bornes publiques rapides, l’équation économique se tend.

Comment optimiser l’amortissement de votre voiture électrique ?

Quelques leviers très concrets permettent de maximiser la rentabilité de votre véhicule à batterie.

  • Bien dimensionner le véhicule : inutile de surpayer une grosse batterie si vos trajets quotidiens sont courts. Une petite compacte peut suffire, avec un coût d’achat et d’usage plus faibles.
  • Valoriser les aides : vérifier votre éligibilité au bonus écologique et à la prime à la conversion au moment de l’achat, en tenant compte des conditions (revenu, ancien véhicule, pays de fabrication, etc.).
  • Optimiser la recharge : privilégier la recharge lente à domicile ou au travail, éventuellement en heures creuses, pour réduire le coût au kWh et préserver la batterie.
  • Penser à la revente dès l’achat : choisir un modèle dont la marque est solide, l’autonomie suffisante et la demande future probable (segments les plus recherchés du marché de l’occasion).
  • Soigner l’entretien : respect des mises à jour logicielles, contrôles périodiques, gestion raisonnable des températures et des recharges rapides afin de limiter la dégradation de la batterie.
  • Comparer les offres d’assurance : toutes les compagnies n’ont pas encore la même expérience de l’électrique. Un contrat adapté peut réduire votre budget global sans diminuer la couverture.

En résumé : ce qu’il faut retenir pour calculer la rentabilité

Amortir une voiture électrique, ce n’est pas uniquement regarder le prix d’achat ou le coût d’un « plein » de batterie. C’est une équation plus large, qui inclut :

  • le prix réellement payé après aides publiques ;
  • les économies d’énergie (électricité vs carburant) sur toute la durée d’usage ;
  • un entretien simplifié et généralement moins coûteux ;
  • la décote et la valeur de revente, qui peuvent être favorables si le véhicule est bien choisi et bien entretenu ;
  • les avantages fiscaux pour les professionnels (plafond d’amortissement plus élevé, taxes réduites) ;
  • votre profil d’usage (kilométrage, type de trajets, accès à la recharge).

Pour un particulier qui parcourt au moins 12 000 à 15 000 km par an et qui peut recharger principalement chez lui ou sur son lieu de travail, la voiture électrique devient, dans beaucoup de cas, non seulement une option pertinente sur le plan environnemental, mais aussi un choix économiquement rationnel sur la durée.

La clé reste toujours la même : poser vos chiffres sur la table, comparer poste par poste avec une thermique équivalente, en intégrant le long terme. Une fois cet exercice fait, l’« amortissement » de votre voiture à batterie n’a souvent plus grand-chose d’abstrait.