Voiture à hydrogène ou voiture électrique à batterie ? Derrière cette question, il ne s’agit pas seulement de technologie, mais de rendement énergétique, d’infrastructures et de choix de société. L’hydrogène fait beaucoup parler de lui, souvent présenté comme une solution miracle. Mais que se passe-t-il réellement dans un moteur voiture hydrogène ? Et comment cette chaîne énergétique se compare-t-elle à celle d’une voiture électrique à batterie ?
Hydrogène dans l’automobile : de quoi parle-t-on exactement ?
Avant de comparer, il faut clarifier un point souvent source de confusion : dans une voiture à hydrogène, on ne parle presque jamais d’un « moteur à hydrogène » au sens classique, mais de pile à combustible.
Deux grandes approches coexistent :
- Le moteur thermique à hydrogène : un moteur proche d’un moteur essence, dans lequel on brûle de l’hydrogène au lieu de l’essence. C’est une technologie connue, mais aujourd’hui minoritaire dans l’automobile légère.
- La voiture à hydrogène à pile à combustible : l’hydrogène est utilisé pour produire de l’électricité à bord, qui alimente un moteur électrique. C’est le cas des modèles commercialisés (Toyota Mirai, Hyundai Nexo, etc.).
Dans le langage courant, on dit « voiture à hydrogène », mais sur le plan technique, on devrait plutôt parler de voiture électrique à pile à combustible. Le moteur qui fait tourner les roues est un moteur électrique, comme sur une voiture à batterie. La différence se joue sur la façon de stocker et de produire l’électricité.
C’est sur cette architecture – hydrogène + pile à combustible + moteur électrique – que nous allons nous concentrer.
Comment fonctionne une voiture à hydrogène ?
Le fonctionnement repose sur une chaîne assez simple à décrire, mais complexe à optimiser. En résumé, l’hydrogène sert de réservoir d’énergie chimique que l’on transforme en électricité à bord.
Les grandes étapes sont les suivantes :
- Stockage de l’hydrogène : l’hydrogène est stocké dans des réservoirs à très haute pression (généralement 700 bar pour les voitures particulières). Cela permet d’emporter quelques kilos d’hydrogène, suffisants pour 500 à 700 km d’autonomie selon les modèles.
- Arrivée dans la pile à combustible : l’hydrogène gazeux est acheminé vers une pile à combustible (type PEM, Proton Exchange Membrane). C’est là que se produit la réaction électrochimique.
- Réaction électrochimique :
- À l’anode, la molécule d’hydrogène H₂ est scindée en protons (H⁺) et en électrons (e⁻).
- Les protons traversent la membrane.
- Les électrons, eux, passent par un circuit externe et créent un courant électrique.
- À la cathode, l’oxygène de l’air se combine aux protons et aux électrons pour former de l’eau (H₂O).
- Production d’électricité : le courant produit alimente le moteur électrique, et une partie peut charger une petite batterie tampon (ou supercondensateur) qui gère les pics de puissance (accélérations, récupérations d’énergie au freinage).
- Rejet : le seul rejet à l’échappement est de la vapeur d’eau, ainsi que de la chaleur.
En pratique, une voiture à hydrogène est donc une voiture électrique qui embarque sa propre « centrale électrique miniature ». On n’a presque pas besoin de recharger sur secteur, mais il faut faire le plein d’hydrogène dans une station dédiée.
Rendement énergétique : où part l’énergie ?
La question clé pour comparer hydrogène et batterie, c’est le rendement « du puits à la roue » (well-to-wheel) : quelle part de l’énergie initiale (souvent électrique) arrive réellement aux roues ?
La chaîne hydrogène : beaucoup d’étapes, beaucoup de pertes
Imaginons que l’on parte d’électricité renouvelable (éolien, solaire) pour produire de l’hydrogène « vert ». La chaîne ressemble à ceci :
- Électricité → électrolyse : on utilise de l’électricité pour séparer l’eau en hydrogène et oxygène. Rendement typique : 65–75 %.
- Compression / stockage / transport : l’hydrogène est comprimé, parfois liquéfié, puis transporté et stocké. Rendement global : 70–90 % selon les scénarios.
- Pile à combustible à bord du véhicule : rendement de conversion hydrogène → électricité de l’ordre de 50–60 % dans des conditions réelles.
- Moteur électrique : très bon rendement, souvent 90–95 %.
En combinant ces maillons, on obtient typiquement un rendement global de 25–35 %. Autrement dit, sur 100 kWh d’électricité d’origine, il n’en reste qu’environ 25 à 35 kWh effectivement utilisés pour faire avancer la voiture.
À cela s’ajoutent des pertes spécifiques liées au réseau de distribution : fuites d’hydrogène, consommation énergétique des compresseurs dans les stations, etc., que les études tentent de quantifier mais qui restent parfois difficiles à standardiser.
La chaîne batterie : un trajet plus direct
Pour une voiture électrique à batterie, la chaîne énergétique est plus courte :
- Électricité → recharge : passage par le réseau, le chargeur, puis la batterie. Rendement global recharge + batterie (en comptant les pertes de charge/décharge) : 85–90 %.
- Moteur électrique : 90–95 %.
On se retrouve donc avec un rendement global de l’ordre de 70–80 %. Sur 100 kWh d’électricité au départ, 70 à 80 kWh servent réellement à la traction.
Cette différence de rendement explique pourquoi beaucoup de scénarios de décarbonation donnent une place prioritaire à la voiture électrique à batterie pour les usages courants (trajets quotidiens, voitures particulières), et envisagent l’hydrogène plutôt comme un complément pour des usages spécifiques.
Rendement : ce que disent les ordres de grandeur
Pour illustrer, plusieurs analyses, dont celles de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ou de l’IFPEN, convergent vers des ordres de grandeur simplifiés :
- Voiture électrique à batterie : 70–80 % du puits à la roue.
- Voiture à hydrogène (via électrolyse) : 25–35 % du puits à la roue.
On peut débattre des chiffres exacts selon les hypothèses, mais la hiérarchie reste la même : la batterie utilise environ deux à trois fois mieux l’électricité que la voie hydrogène. Cela a des conséquences majeures en termes de dimensionnement des réseaux, de besoins en capacités renouvelables et de coûts système.
Est-ce que cela signifie que l’hydrogène « n’a pas d’avenir » dans la mobilité ? Pas forcément. Cela signifie surtout que tout le monde n’a pas la même place dans la file d’attente pour accéder à cette ressource.
Impact environnemental : tout dépend de l’origine de l’hydrogène
Une voiture à hydrogène ne rejette que de la vapeur d’eau, mais cela ne suffit pas à la rendre propre. L’essentiel de l’impact dépend de la façon dont l’hydrogène est produit.
- Hydrogène gris : produit à partir de gaz naturel (vaporeformage du méthane), sans captage du CO₂. C’est aujourd’hui de très loin la majorité de l’hydrogène utilisé dans l’industrie. Bilan carbone : très élevé (environ 10 kg CO₂ par kg d’H₂, selon les procédés).
- Hydrogène bleu : hydrogène gris couplé à des technologies de captage et stockage du carbone (CSC). Bilan carbone réduit, mais dépend fortement du taux de captage et de l’intégrité du stockage dans le temps.
- Hydrogène vert : produit par électrolyse de l’eau avec de l’électricité renouvelable (ou bas carbone). C’est la seule option réellement compatible avec la neutralité carbone, mais elle reste aujourd’hui minoritaire et coûteuse.
En France et en Europe, les politiques publiques cherchent à orienter massivement vers l’hydrogène bas carbone. Par exemple, l’Union européenne a défini dans ses textes (notamment le règlement délégué sur les carburants renouvelables d’origine non biologique, RFNBO) des critères précis pour que l’hydrogène soit considéré comme « renouvelable ». La France, via sa Stratégie nationale hydrogène, cible en priorité les usages industriels et la mobilité lourde.
Pour une voiture particulière alimentée en hydrogène gris, le bilan carbone peut être pire qu’un véhicule thermique moderne, surtout si l’on intègre les pertes de rendement. Là encore, l’origine de l’énergie et le rendement global priment sur la nature du gaz sortant de l’échappement.
Hydrogène vs batterie : quels usages pour chaque technologie ?
Si l’on raisonnait uniquement en rendement, la question serait vite tranchée en faveur des batteries. Mais la réalité de la mobilité tient aussi compte de la densité énergétique, des temps de recharge, du poids, de l’autonomie et des usages professionnels.
L’hydrogène a quelques atouts spécifiques :
- Temps de remplissage : le plein se fait en 3 à 5 minutes, proche de ce que l’on connaît avec l’essence ou le diesel.
- Masse embarquée : pour de très grandes autonomies, l’hydrogène permet d’emporter plus d’énergie pour un poids inférieur à celui d’un pack batterie équivalent.
- Maintien de l’autonomie par tous les temps : les performances sont moins sensibles au froid que celles de certaines batteries (même si la pile à combustible elle-même a des contraintes de température).
C’est pour cela que l’hydrogène est étudié (et parfois expérimenté) pour des segments comme :
- Les poids lourds longue distance.
- Les autocars interurbains.
- Certains engins spéciaux (chariots portuaires, engins de chantier, trains sur lignes non électrifiées).
Pour les voitures particulières, en revanche, plusieurs limites freinent l’essor de l’hydrogène :
- Infrastructure très limitée : en France, on compte encore peu de stations hydrogène ouvertes au public, essentiellement concentrées sur quelques corridors ou projets pilotes.
- Coût du véhicule : les voitures à hydrogène restent beaucoup plus chères que les modèles électriques à batterie comparables, en grande partie à cause de la pile à combustible et des réservoirs haute pression.
- Efficacité globale : en contexte de ressources énergétiques limitées et d’objectifs climatiques ambitieux, la société ne peut pas se permettre de gaspiller une large partie de l’électricité disponible dans une chaîne peu efficace, si des alternatives plus sobres existent.
li>Coût du carburant : l’hydrogène vert est encore cher à produire, et la filière peine à atteindre une compétitivité-prix face à l’électricité directe.
C’est pour ces raisons qu’en pratique, les politiques publiques européennes misent surtout sur la batterie pour la voiture particulière, et sur l’hydrogène pour la mobilité lourde et industrielle.
Ce que disent les politiques publiques en France et en Europe
À l’échelle européenne, le cadre se précise :
- Le paquet « Fit for 55 » vise une réduction de 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2030, avec un rôle important pour la décarbonation des transports. Les véhicules neufs thermiques seront progressivement interdits à partir de 2035.
- Le règlement AFIR (Alternative Fuels Infrastructure Regulation) impose le déploiement progressif d’infrastructures pour les carburants alternatifs, dont l’hydrogène, le long des principaux axes de transport (réseau TEN-T).
- Des objectifs spécifiques sont prévus pour les poids lourds, où l’hydrogène peut contribuer à réduire les émissions sur longue distance.
En France, la Stratégie nationale hydrogène (2020 puis actualisations) cible en priorité :
- La décarbonation de l’industrie lourde (raffinage, chimie, acier).
- La mobilité lourde (camions, bus, trains régionaux sur lignes non électrifiées).
Pour les particuliers, le soutien public se concentre surtout sur la voiture électrique à batterie (bonus écologique, aides à l’installation de bornes, planification du réseau de recharge). Le message implicite est clair : la voiture à hydrogène ne fait pas partie du scénario de masse pour le parc automobile léger à horizon 2030.
Que choisir aujourd’hui ? Quelques repères pratiques
Face à ces éléments, comment se repérer selon que l’on soit particulier, collectivité ou entreprise ?
Pour un particulier, en France, les critères suivants plaident pour la voiture électrique à batterie :
- Disponibilité du réseau de recharge : les bornes publiques se multiplient, et la recharge à domicile reste le mode le plus simple et le moins coûteux.
- Rendement et coût à l’usage : le kWh électrique utilisé directement dans une batterie est nettement mieux valorisé que via l’hydrogène, ce qui se traduit par un coût au kilomètre plus faible.
- Offre de modèles : le marché de l’électrique à batterie est très large (citadines, SUV, utilitaires), alors que l’offre hydrogène reste marginale.
Pour une collectivité, la réflexion est un peu différente :
- Pour des bus urbains, l’électrique à batterie est souvent privilégiée : trajets courts, retour au dépôt chaque nuit, possibilités de recharge lente.
- Pour des bus interurbains ou engagés sur des distances plus longues, l’hydrogène peut devenir une option si :
- une production locale d’hydrogène bas carbone est possible (électrolyse couplée à des renouvelables, par exemple),
- et si la collectivité a la masse critique d’usage pour rentabiliser une station.
Pour une entreprise de transport ou de logistique, la vraie question est celle du profil de mission :
- Si les camions roulent principalement sur des trajets réguliers de moyenne distance, avec retours fréquents au dépôt, l’option électrique à batterie devient chaque année plus crédible.
- Si les itinéraires sont très longs, avec des contraintes strictes de temps d’arrêt, l’hydrogène peut entrer dans la discussion, à condition que l’écosystème de production et de distribution suive.
Hydrogène et batteries : deux briques complémentaires plus que concurrentes
Plutôt que d’opposer frontalement hydrogène et batteries, il est plus utile de les voir comme deux outils dans une même boîte de la transition énergétique.
Les batteries sont très efficaces pour :
- Les usages quotidiens.
- Les trajectoires courtes à moyennes distances.
- Les véhicules particuliers.
- Les flottes captives avec retour régulier au dépôt.
L’hydrogène, lui, a du sens lorsqu’il répond à des contraintes que la batterie gère mal :
- Longues distances à forte charge utile.
- Besoins de temps de « recharge » très courts.
- Limites de poids/volume de batterie pour des engins spécifiques.
Dans tous les cas, le point central reste le même : d’où vient l’énergie, et que perd-on en chemin ? La voiture à hydrogène à pile à combustible reste une voiture électrique. Mais l’électricité qu’elle consomme a déjà été « transformée » une fois (ou plusieurs) avant d’arriver aux roues. C’est cette succession de transformations qui fait la différence en termes de rendement, de coûts et d’impacts climatiques.
À retenir
- Une « voiture à hydrogène » est en réalité une voiture électrique à pile à combustible : l’hydrogène sert à produire l’électricité à bord, qui alimente un moteur électrique.
- La chaîne énergétique de l’hydrogène partant d’électricité renouvelable affiche un rendement global d’environ 25–35 %, contre 70–80 % pour une voiture électrique à batterie.
- L’impact environnemental d’une voiture à hydrogène dépend presque entièrement de la façon dont l’hydrogène est produit : gris, bleu ou vert.
- Les politiques publiques françaises et européennes réservent l’hydrogène en priorité à l’industrie et à la mobilité lourde (camions, bus, trains), tandis que la batterie est privilégiée pour la voiture particulière.
- Pour les particuliers, en France, la voiture électrique à batterie est aujourd’hui plus mature, plus efficace et mieux soutenue que la voiture à hydrogène.
- L’hydrogène n’est pas une solution miracle mais un complément ciblé : pertinent là où il répond à des besoins que la batterie ne peut pas satisfaire facilement, à condition que l’hydrogène soit produit de manière bas carbone.
